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samedi, 18 juin 2005

Le dormeur du val...

Le dormeur du val…

Doit-on exégéser philippe val, apôtre du oui, philosophe extrême pour temps de crise ? La réponse est rien moins que certaine mais qu’importe, on fait avec ce qu’on a. Et donc, le voilà déjà, dans Charlie hebdo du 15 juin, louangeur de l’albenassière de retour au pays, qui nous assène cette affirmation jolie, que l’opinion, même lorsqu’elle s’abandonne, la salope, à traiter les journaleux de vendus pas fiables, madame opinion, dans sa grande sagesse, « s’émeut et se mobilise lorsque l’un d’entre eux (les journalistes) disparaît ». Et le philippe d’en faire illico bien sûr un argument béton pour la plus grande vertu et la plus grande gloire du monde journaleux. Deux remarques pour dessiller l’auguste : first, mr val qui n’arrête pas dans ses dissertations hebdomadaires de flétrir l’opinion des pauvres cons qui, n’ayant pas accès au concept, sont irrémédiablement perdus pour la raison et donc pour la vérité et ne peuvent donc qu’opinionner au lieu d’opiniâtrement penser, mr val donc, quand ça l’arrange, quand l’opinion va dans le sens de sa boîte à neurones, mr val devient alors le plus ardent des opiniophiles. Ce qui me fait doucement sourire. Segundo, il semble oublier, ce brave philippe, que ce sont les médias justement qui font l’opinion, et que, même avec un minimum d’esprit critique dans la tronche du bon peuple de France, il n’empêche que le formatage à haute dose finit bien par payer et se frayer son bonhomme de chemin dans les bulbes populaires. Sinon, on en viendrait même à désespérer du mensonge…
Exégésons un poil plus loin, dans l’édito traditionnel de la page 3 où notre philosophe s’en va soudain chantant les louanges du démocrite d’abdère pour nous expliquer que tout est matière et que donc ce qui n’est pas matière n’existe pas ou l’inverse, et que de toute manière, ce qui n’est pas matière n’offre aucun intérêt pour nous. D’autant, ajoute val, qu’il « ne faut pas être très fute-fute pour se passionner pour ce qui n’existe pas ». Et donc, corollaire, ce pour quoi l’on ne se passionne pas n’existe pas.
Bon… euh… cet arbre ne m’intéresse pas du tout : je me fous de son ombre car j’aime le soleil, je me fous de son bois car je me chauffe au fioul, je me fous de ses feuilles car je déteste les infusions, je me fous de sa forme car je préfère les biscotos de mon jules. Bref, cet arbre dont je me contrefous dans les grandes largeurs n’est pas de la matière et donc n’existe pas. Et tant pis pour les agents municipaux qu’arrêtent pas de l’arroser, les cons, alors qu’il n’est qu’un néant et que c’est une pitié de gaspiller ainsi l’eau pourtant si précieuse…
Par contre, dieu m’intéresse au plus haut point : il a créé le ciel et la terre et niko sarko qui s’y promène dessus, il joue à cache-cache avec nous dans l’hostie et se révèle enfin dans l’ostensoir, les grandes orgues chantent sa gloire et s’il voudrait, dieu, il me ferait gagner à la prochaine cagnotte du loto ou, sadique, me refilerait un cancer du bras droit si j’oubliais de me signer devant un oratoire… Donc Dieu existe, il existe tellement qu’il est matière, matière à penser, à prier, à blasphémer et même matière tout court puisque je le vois partout suspendu en plâtre de saint-sulpice à une croix d’où il faudrait songer un de ces jours à le descendre parce que ça commence à faire long et que même quand on est dieu, matière et democritovalesque radical, on peut aussi choper des crampes… Que philippe val de charlie hebdo en vienne à nier l’existence des arbres et à affirmer celle de dieu, voilà qui va faire causer dans la chaumière à cavanna…mais qui ne peut que réjouir les attardées spiritualistes que nous sommes…
Mais nous ne sommes pas au bout. Tout cela n’était que préliminaires et nous allons entrer ahora dans la chaleur torride du concept : l’avventura é l’aventurra, nous voici entre le social et le national comme entre le marteau et l’enclume, et l’ombre de l’oncle adolf flotte déjà sur la marmite. Et si le social peut avoir quelques charmes pour le dirlo de charlie-hebdo affalé dans son confortable et profond fauteuil de cuir, le national, lui, n’est qu’infâme merde passéiste, « sales nations, dit-il, vieilles, égoïstes, paranoïaques, aigries, tristes, barbotant dans le radotage de leur passé révolu ». Fermez le ban. On sent tout de suite la hauteur de vue et la force de la pensée arc-boutée sur une exigence de rationalité qu fait honneur à l’hypothalamus valien. Et donc, le « grand horizon politique de l’avenir », car mr val vaticine par moments, c’est « la disparition de ces nations qui font dépendre leur norme sociale de leur étanchéité au monde ».
Philippe le grand, sauf votre respect, ne manquerait-il pas de logique ? Car cette europe qu’il appelait de ses vœux, qu’est-elle d’autre qu’une « nation » un peu plus grande, c’est à dire un espace qui tend forcément à s’étanchéifier et donc à se fermer au reste du monde ? C’est le monde qu’il faut penser, philippe, et arrêter de nous la jouer minable petit localiste. Même avec un gros cul, l’europe n’est rien d’autre qu’un de ces vieux, égoïstes et paranoïaques empires qui fleurissent sur la destruction des nations pour mieux mourir dans la reconstruction des tribus.
Il est tard. Si l’internationalisme et le mondialisme que val appelle de ses vœux était la solution à tous nos problèmes, ça se saurait. La s.d.n. aurait pas eu besoin de se transformer en o.n.u. et kofi miam-miam aurait pas eu besoin de caser fiston dans le pétrole. Quant aux deux révolutions que nous connaissons le mieux, 89 et 17, et qui toutes deux ont voulu faire partager au monde leur universalité pleine de bonnes intentions et leur refus des frontières nationales du vieux monde promis aux poubelles de l’histoire, elles ont surtout réussi ce tour de force de développer à l’infini, au nom du bien, la plus grande masse possible de mal, de souffrance et de mort. Et c’est pas la mondialisation libérale d’aujourd’hui qui va arranger les choses. Le social (ou le libéral) à l’échelle internationale, on le voit, c’est du grand art !
Ce qu’oublie philippe val dans ses élucubrations c’est que l’homme a un corps (Montaigne : « notre condition est merveilleusement corporelle… »), qu’il n’est pas un pur esprit, qu’il est non pas englué mais tissé des mille fils qui le lient à un lieu, un moment, des paysages, des communautés, des hommes, des mentalités, des cultures, au réel, tout simplement. Et faire de ces liens, systématiquement, des chaînes, (ce qu’ils peuvent être aussi parfois) c’est fausser le débat pour s’y donner le beau rôle. Et ça, c’est au moins aussi sale, vieux, et parano que ces soi-disant « nations » qu’on abhorre et qu’on charge de tous les crimes pour mieux les critiquer et qui sont, pourtant, comme le disait Maurras, des amitiés… Lou, qui va se coucher.

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