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mardi, 13 avril 2010

Ah ! Venise...

Bon, ça y est, ça va pas tarder… on va bientôt les voir défiler de nouveau tous les cultureux subventionnés, la bohème dorée sur tranche, les saltimbanques à fiche de paye, les petits van-gogh fonctionnarisés, tous à hurler à la mort sur la réduction programmée de leur budget de petits marquis, avec en bandoulière et banderoles la culture avec un grand C, la « part de rêve », comme dit Joffrin, « celle de l’esprit, de l’émotion… ».

Comme si pour rêver, réfléchir ou s’émouvoir on avait besoin des entrechats d’un Angelin Preljocaj grassement payé sautillant sur 20 cm de moquette, de l’illisible syntaxe d’un Mallarmé que des armées d’exégètes fous essaient de déchiffrer sans succès depuis des lustres, de la merde en bocal de quelque artiste conceptuel à chier, du vacarme d’atelier de fonderie d’un Stockhausen assourdissant, du gros Depardieu en train de se faire Michel Blanc sur l’écran noir de mes nuits blanches ou de la trilogie d’Eschyle mise en scène par Diam’s à la Cité de l’Immigration…

Ils vont nous les lâcher un peu tous ces connards de cultureux qui ne défendent en fait, au nom de l’exception culturelle française, que leurs minables avantages acquis, leur rondelette  tirelire de planqués et leur mesquin petit privilège boboesque de faire un métier tellement difficile (Ah ! la prise de risque de l’artiste ! Tu parles !) qu’à 85 balais faut encore supporter de voir la Moreau ou le Galabru se pavaner sur scène en oubliant soigneusement de laisser la place aux jeunes ou d’offrir leur cachet aux pauvres de la paroisse…

Beuark…

P.S. : C’est tellement grandiose la Culture qu’il doit y avoir des milliers d’articles glosant à perte de vue sur, par exemple, la fameuse première phrase de la Recherche du Temps perdu : « Longtemps, je me suis couché de bonne heure. ».

Imaginons cinq minutes que Proust, au lieu d’écrire cette phrase culte, qu’il a dû écrire d’ailleurs de la façon la plus machinale du monde, comme ma Tatie Germaine disant le soir sur le coup de dix heures et demie ce décasyllabe impérissable : « Bon, les enfants faut prendre du souci. », imaginons donc qu’il ait écrit ceci, Marcel : « Des années durant, j’allais au lit tôt. », ils seraient tous là, les gloseurs fous à exégéser en boucle le magnifique parfait décasyllabe, les allitérations remarquables et tellement émouvantes, les doubles et triples sens psychanalytiques latents, et ce Lido de Venise laissant déjà entendre la musique jolie des pavés disjoints… Oui, mais voilà, il a écrit ceci, le con, cette banalité complètement anodine : « Longtemps je me suis …etc… ». Qu’à cela ne tienne, le Ministère de la Mauvaise Vie débloquera malgré les temps de disette ambiante, les centaines de millions d’euros nécessaires aux artistes de tout poil pour rêver et réfléchir au « Bonne nuit les petits » si émouvant de la grande Marcelle… et si Fredo veut pas débloquer, les cultureux défileront...

Lou proustée...

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