lundi, 19 janvier 2015
... qu'à la fin elle se brise...
Bon, la nuit a porté conseil, mais l’aurore aux doigts de rose s’est levée tard ce matin, voilà l’affaire…
Tu es dans la caricature, l’insulte, l’injure, la provocation… Tu peux quand même t’attendre, si t’es pas trop con, à ce que les injuriés, les insultés, les provoqués soient pas tous que des gonzesses ou des bisounours tendeurs de joue gauche… et qu’ils peuvent donc, à l’occasion, soit t’entarter s’ils sont plutôt joyeux drilles soit t’en coller une dans la gueule s’ils ont le sang un peu chaud…
De là à défourailler à la kalach, y a quand même un abime !
La kalach, on va y venir tout à l’heure. Pour l’instant, c’est de violence qu’il faut causer…
Ils voudraient nous faire croire, les cons, qu’il y a qu’une seule violence, celle qui touche les corps, frappe les chairs, brise les os et fait couler l’hémoglobine… Dans un monde où le corps est devenu le nouveau sacré, où la peine de mort a été abolie pour que le vieux Badinter puisse dormir sans cauchemar, où toute idée de punition corporelle est bannie des programmes, où la moindre gifle est assimilée à de la torture, où les mecs se font les ongles pendant des heures et se tartinent de gel douche à en exploser les budgets, dans ce monde de chochottes où le miroir est devenu l’accessoire principal de l’homme moderne, seul compte le corps et seule est donc prise en compte la violence contre le corps… Et l’âme, et l’esprit, et la personne, on en fait quoi alors ? Ça peut pas être blessé, ça aussi, ça peut pas saigner, souffrir sous l’insulte, pleurer sous l’injure ou le blasphème ? Il y a des mots qui blessent comme des balles, des plaisanteries qui sont comme des coups de poing dans la gueule et on voudrait que celui qui les reçoit en redemande et se marre avec les insulteurs… Mais ça marche pas comme ça l’humanité, et les retours de manivelle dans la gueule sont parfois une excellente propédeutique à l’apprentissage du savoir-vivre, et même, soyons résolument modernes, à l’apprentissage du « vivre ensemble »… Et d’ailleurs, ils nous ont dessiné quoi, les cons, ces derniers jours, sur tous les écrans ? Des stylos et des crayons et des feutres en forme de kalach ! Bel aveu !
Mais, répliquent les « Je suis Charlie », c’est pas les gens qu’on attaque, nous, c’est leurs dieux, leurs prophètes, leur religion… Justement ! Qu’est-ce qu’il y a de plus sacré, de plus intouchable, pour un fidèle basique de quelque religion que ce soit, sinon son Dieu ou son Prophète. Pour le croyant 1° degré, le croyant primaire, le croyant populaire, le croyant « foi du charbonnier » (désolé, Charb, mais tu aurais dû être le premier à comprendre ça…), qui, n’ayant pas bac + 12 ni licence de théologie dogmatique, n’a peut-être pas la même capacité que les intellos à se décoller, se déprendre de sa croyance, Dieu c’est plus que lui-même, plus que son papa, sa maman, son fils, sa fille et son tonton Marcel, et donc, toucher à Dieu, même avec un crayon, même avec des images, surtout avec un crayon, surtout avec des images, surtout avec du foutage de gueule, c’est toucher à ce que l’individu a de plus cher, de plus sacré, et ça peut faire saigner et déchirer l’âme autant qu’une bastos bien placée…
Oui, mais quand même, la kalach… Eh bien justement, la kalach… Pour un islamiste ou quelque fanatique que ce soit, ni sa propre mort ni la mort de celui d’en face n’ont d’importance puisque la vie d’ici-bas ne compte guère et que seul compte le Paradis d'Allah et les 70 vierges qui commencent à trouver le temps long. Les choses et les êtres n’ont pas le même poids, l’échelle des valeurs n’est pas la même et le choix des armes non plus. Ils n’ont ni le recul nécessaire sur leur propre croyance, ni l’humour ni peut-être le talent (encore que lorsqu’on entend ce connard de Luz aux obsèques de Charb, on cherche en vain où peuvent bien se nicher l’humour et le talent..). Par contre, grâce à BHL et aux démocrates syriens, ils ont des armes, ils ont des kalach, des kamikazes, des ceintures de dynamite et ils font avec les moyens du bord et ce serait sans doute se comporter en affreux colonialistes réactionnaires que d’aller leur reprocher de ne pas s’aligner gentiment sur nos propres valeurs, nos propres comportements et notre propre épistémé (oui, je sais, il m’arrive parfois de faire la précieuse…). Si les mecs de Charlie étaient allés se promener cinq minutes sur la colline d’en face, histoire de se changer un peu le panorama, peut-être auraient-ils compris la souffrance d’un croyant qui voit son Dieu ou son Prophète ridiculisé… et peut-être seraient-ils encore en vie… C’est quand même significatif que les djihadistes soient allés flinguer des humoristes et pas la kyrielle d’intellectuels ou de chercheurs qui, depuis des lustres, déconstruisent l’islam, qui en montrent les racines humaines trop humaines ou qui le critiquent radicalement au nom de la raison… Ce qui montre d’ailleurs qu’il y a peut-être place, même avec les islamistes radicaux, pour un débat serein et gentillet… Par contre, et c’est bien normal, y a pas place pour la caricature, l’injure, la diffamation, l’insulte ou le blasphème…
Si mon voisin traite ma mère de pute ou mon père d’ordure, je vais aller vite fait lui mettre ma main dans la gueule et tout le monde trouvera ça normal. Par contre, s’il m’explique tranquillement, mon voisin, que ma mère aurait peut-être pas dû laisser ses rosiers envahir son jardin ou que mon père a pas le droit de pisser contre sa clôture, les choses doivent pouvoir s’arranger à l’amiable ou, au pire devant le juge de proximité qui incitera mon père à installer des chiottes secs au fond du jardin et ma mère à faire pousser des tulipes… Et ça évitera de sortir les kalachnikovs…
C’était tout simple finalement…
Lou si longue…
11:06 | Lien permanent | Commentaires (0)
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