mercredi, 10 janvier 2007
Vernant vernis...
Ca y est, le tam-tam médiatique reprend du service : Jean-Pierre Vernant est mort... historien, helléniste, mais surtout, surtout "grand résistant", ce qui, depuis 1945 vaut toutes les cartes de visite, ouvre toutes les portes, apothéose toutes les biographies, sublime toutes les nécros... Bref, si vous ne fûtes ni communiste ni résistant, vous n'êtes qu'une sous-merde que la pensée unique ignore superbement... mais si vous fûtes l'un ou l'autre, ah ! les jolies articles en une et pleine page que vont alors vous tresser libé, le monde, arte et francecul...!
Tenez, regardez l'"historien" Laurent Douzou dans Le Monde du 10 janvier... Lisez-moi ceci :
"De sa Résistance, Jean-Pierre Vernant ne parlait d'ordinaire pas. Il ne l'évoquait pas si aisément non plus devant ceux qui l'interrogeaient à ce sujet. Non qu'il fût difficile d'accès. On entrait intimidé dans son bureau du Collège de France ; on en ressortait étonné que le tutoiement ait été d'emblée de mise et confondu par une simplicité qui n'était pas feinte. L'entretien décanté, il fallait pourtant se rendre à l'évidence : en dépit d'un abord avenant, il livrait peu de chose sur cette période cruciale. Peut-être parce qu'il redoutait de passer pour un ancien combattant radoteur. Plus probablement parce qu'il tenait à cette expérience comme à la prunelle de ses yeux ; il avait partagé là une intimité hors pair avec des camarades choisis, et sans doute cet orateur incomparable craignait-il, en ne trouvant pas les mots justes, de la trahir. C'est seulement au soir de sa vie qu'il se résolut à écrire avec retenue et dans un registre réflexif sur cette histoire singulière. Cette modestie et cette réserve dissimulaient un parcours résistant éclatant qui lui avait valu de se voir décerner en janvier 1946 la croix de la Libération."
Pas une seconde l'historien à la noix douzou-douzou n'envisage que peut-être si tonton vernant ne parlait guère de "sa réistance" c'est qu'il avait peu ou mal résisté, ou qu'il était peut-être pas très fier de tel attentat pas trop compliqué à monter mais qui avait entraîné l'exécution d'une dizaine d'otages, ou de telle lâcheté qui lui avait fait trahir ou ne pas soutenir plein pot tel copain, ou parce qu'il en savait trop sur les lâchetés, magouilles et compromissions de tels résistants estampillés qui avaient surtout résisté à l'envie de se battre, ou parce qu'il avait pas vraiment envie de dire qu'il n'avait dû sa place à l'université qu'à tels réseaux communistes bien installés dans les allées du pouvoir après la Libération... Peut-être n'était-il pas très fier non plus d'avoir attendu 1970 pour démissionner du Parti Communiste et donc d'avoir avalé imperturbablement le stalinisme, le goulag, les camps, la déstalinisation, le thorézisme, Budapest 56, le Mur de Berlin, les chars à Prague en 68... ce qui représente une jolie performance...
Tous ces épisodes qu'il aurait été intéressant de creuser n'ont bien sûr pas droit de cité dans l'histoire telle que la conçoivent les hagiographes officiels à la laurent douzou qui ne savent rien faire d'autre que de s'extasier devant une croix de la Libération obtenue en 46, ce qui devait pas être vraiment très difficile lorsque l'on était communiste...
Lou désillusionniste...
16:25 | Lien permanent | Commentaires (5)
Commentaires
Votre lien est défectueux, chère Lou. Il semble que Vernant ne perce pas le mur de l'indifférence.
Écrit par : Sébastien | mercredi, 10 janvier 2007
Désillusionniste, oui, 5 sur 5.
Écrit par : lustucru | mercredi, 10 janvier 2007
Ne jamais oublier Uranus... Revoir "le chagrin et la pitié" pour les quelques phrases et regards vrais que ce docu transporte, relire Louis-Ferdinand toujours, découvrir Audiard sur le sujet de la libération et tant, tant d'autres condamnés à l'oubli prudent, ou cantonnés dans les "morceaux choisis", sortes de camps de la mort lente destinés aux œuvres complètes des plumes bannies.
Ah Lou... Les bios des grands résistants ont souvent cela de tragicomique qu'elles parviennent à restituer toute la fraîcheur des mensonges et tartufferies d'une période pourtant vieille de 60 ans...
Écrit par : kalle | jeudi, 11 janvier 2007
:o)
Écrit par : En passant | jeudi, 11 janvier 2007
Merci à tous d'avoir apprécié, et allons vite relire Uranus et Audiard et Ferdine...
Post scriptum : entendu, aujourd'hui, sur francecul, un entretien commémoratif dans lequel le vernant parlait de "cette vieille fripouille de Pétain"... Ceci explique cela...
Écrit par : Lou | jeudi, 11 janvier 2007
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