mardi, 24 mars 2009
Cercle vicieux...
Les chercheurs, les universitaires… Ah ! la belle corporation de branleurs inutiles, de parasites stipendiés et d’impénitents profiteurs qui s’interrogent doctement pendant des lustres sur le rôle prophétique du point-virgule dans la quatrième partie de la Princesse de Clèves ou sur les différentes phases de la reproduction des ptérodactyles femelles en période de faiblesse hormonale récurrente au crétacé inférieur dans le sud de la Somalie…
Les pauvres chéris qui, entre parenthèses, sont tellement honorables et francs du collier qu’ils ont même pas, lorsqu’ils font grève, les couilles de se signaler comme tels pour pas se faire sucrer leur salaire… les pauvres chéris donc, qui, entre parenthèses, sont tellement performants dans leur enseignement que l’université française n’accueille plus que les fonds de tiroir des recalés de toutes les autres filières (grandes écoles, prépas diverses et variées, IUT, BTS…)… les pauvres chéris qui, entre parenthèses, se foutent royalement de savoir si l’enseignement qu’ils dispensent débouche sur autre chose que l’Anpe ou les caisses d’Auchan ou Carrefour… les pauvres chéris, disais-je, s’affolent soudain devant une énième réforme qui menace de les … évaluer ! Comment ! Nous évaluer, nous l’honneur et la gloire du savoir désintéressé, nous le fleuron de l’enseignement et du service publics ! Vous n’y pensez pas ! Qu’on vienne pas nous emmerder : 2 heures d’enseignement par semaine sur six mois de l’année, c’est largement suffisant. Un article de 25 lignes tous les trois ans dans une revue spécialisée, c’est un rythme sympathique. Par contre, si vous voulez doubler notre salaire déjà croquignolet, vous gênez pas messieurs-dames, les temps sont durs, la vie chère et le stylo bille arrête pas d’augmenter…
Et tous ces connards ont donc décidé pour se mettre à l’abri de ces risques insensés de tourner et tourner encore, jour et nuit, dans Paris, place de l’Hôtel de Ville… Ils appellent ça la Ronde Infinie des Obstinés (ils auraient pu tout aussi bien appeler ça la Ronde Indécente des Planqués…) et je me permets de conseiller aux Parisiens d’aller tourner juste à côté, mais en sens inverse et tout aussi pacifiquement (quoique quelques gnons, parfois...) en répétant obstinément à chaque rencontre : « combien d’heures pour quel salaire ? combien d’heures pour quel salaire ? » et en leur rappelant les heures héroïques de feu le Grand Timonier Rouge dont le programme avait eu au moins ça de bon d’envoyer les intellos voir s’il y était, dans les rizières…
Lou de riz...
13:18 | Lien permanent | Commentaires (7)
Commentaires
Pas tout à fait d'accord, Lou. Surtout sur la fin. Devrait-on contraindre des chercheurs (dont la mission est de chercher, donc, mais pas nécessairement de trouver !) à enseigner le même nombre d'heures qu'un titularisable de CE1 ? Peut-on imaginer que son cursus mérite un salaire égal à celui d'une dépressive de collège francilien ?
Les chercheurs ne refusent pas d'être évalués. Là où certains rigolent, c'est qu'ils se demandent bien sur quelles bases ils le seront. Nombre d'heures, d'étudiants, intérêt de leur discipline ? Quid ? Faire du productivisme – voire de la rentabilité – avec ces gens-là est tout simplement un non-sens.
Ce qu'il faudrait imaginer, en revanche, c'est une énième réforme qui parvienne, de fait, à séparer la recherche fondamentale (sans autre but que la recherche) de l'enseignement. La confusion, je pense, vient de là. Ce "à quoi servent-ils ?" qui connaît une double réponse :
1 - À rien, si l'on mesure le rapport coût/service rendu d'un point de vue strictement pédagogique, par rapport aux normes générales de l'enseignement.
2 - À l'essentiel, si l'on considère que leurs travaux peuvent, un jour, opportunément, ouvrir de nouvelles fenêtres scientifiques qui auront, elles, de véritables conséquences économiques et sociales...
Écrit par : kalle | mardi, 24 mars 2009
Ok, Kalle, bien sûr que je suis un peu excessive, mais c'est la loi du genre... ceci dit, combien de recherches dans un certain nombre de domaines qui n'aboutiront jamais ! Combien dont l'aboutissement ne change pas l'ombre de quoi que ce soit dans les sciences ou la société... Et par ailleurs, combien de découvertes essentielles et pourtant fortuites qui n'ont été précédées d'aucun protocole en règle, d'aucune thèse interminable, d'aucun budget incommensurable... Le jour où les infinis obstinés de la Ronde de nuit brûleront leurs propres meubles comme Bernard Palissy pour chauffer leur labo au lieu de réclamer toujours plus d'argent à leur ministre de tutelle, je commencerai à les considérer autrement que comme de bons petits fonctionnaires moyens attendant tout de l'Etat-vache-à-lait qu'ils tètent jusqu'à plus soif... et d'autant plus obstinés à ronder en choeur qu'ils manifestent ainsi leur farouche opposition à ce qu'ils croient être la droite... Vous êtes pas chercheur au moins, Kalle ?
Écrit par : Lou | dimanche, 29 mars 2009
Ravi de vous revoir chère Lou. Vraiment.
Je trouve en effet votre billet excessif, étant moi-même universitaire, c'est-à-dire enseignant-chercheur. Ce que vous décrivez existe, c'est vrai, mais vous généralisez.
Prenons mon cas. J'ai 32 ans. Je suis maître de conférences en droit. Je dois dispenser 192 heures de cours dans l'année, ce qui équivaut à 6 heures par semaine. Ce qui est très peu dit comme cela. Ces cours, pour être dispensés, doit être "montés". Ce qui implique, grosso modo, pour un cours de 3 h (sur les 36 heures par semestre), entre 10 et 16 heures de préparation. Ajoutez à cela des TD. Il convient donc de préparer les séances de Td et de corriger les copies, d'une semaine sur l'autre, des étudiants. Cette année (universitaire), j'ai assuré 6 TD par semestre, soit 12 dans l'année, ce qui revient à 180 heures de TD. Ca, c'est l'enseignement.
A côté, vous avez la recherche : j'ai participé entre mai 2008 et mars 2009 à trois colloques (qui nécessitent donc la préparation d'une communication) et ai rédigé deux articles de 30 pages chacun paru dans des revues juridique spécialisés. Je suis en ce moment en train de rédiger un autre article et ai une foule de projets pour les 5 ans à venir.
Et, n'oublions pas l'agrégation à préparer. Je n'ai pas fait un doctorat pour ne pas (essayer de) devenir professeur.
Pour le dire autrement, depuis la rentrée de septembre 2008, je bosse environ 55-60 heures par semaine. Pour 2.000 euros par mois.
Et je ne me plains pas. J'aime ce que je fais et je savais que je serai (mal) payé. Tous les soirs, je me couche en ayant la prétention de croire que j'ai fait mon job correctement. Si j'en juge par les compliments reçus par les étudiants tout au long de l'année, je peux véritablement dormir traquille.
Tout cela pour dire que si vous ne voulez rien foutre dans cette profession, vous le pouvez sous certaines conditions. Et si vous voulez travailler sans compter les heures (pour un salaire qui ne bouge pas), vous le pouvez aussi.
Et surtout Lou, n'oubliez pas que parmi les universitaires, il convient de ne pas confondre les disciplines : un juriste n'a pas grand chose à voir avec un sociologue et un biologiste ne rédige pas des articles de la même façon qu'un historien.
En tout cas, je suis heureux de vous relire. Bien à vous.
Écrit par : Artemus | jeudi, 23 avril 2009
C'est un des rares sujets où je suis entièrement d'accord avec Lou et Kalle. Pas du tout avec Artemus bien sûr, puisque de tous les chercheurs-branleurs, les juristes tiennent avec les psychologues un des tous premiers rangs :
- l'histoire du droit n'a qu'un intérêt anecdotique dans la mesure où le droit ne précède pas l'histoire, il ne fait que la suivre ; on peut même dire que moins le droit est coutumiers, plus il est "à la remorque" de l'histoire et en retard par rapport aux réalités, patrimoniales par exemple, qui fondent le droit ;
- les juristes méconnaissent d'ailleurs le b.a.-ba du droit puisqu'ils proclament au-dessus de tous les autres droits des "Droits de l'Homme" qui, n'étant assortis d'aucune sanction réelle dans le temps, se limitent comme Marx l'a souligné il y a plus d'un siècle aux "droits de l'homme égoïste".
Faut-il rappeler que Karl Marx est un chercheur en droit précis qui n'a bénéficié d'aucun salaire ni subvention publique de sa vie ? Son analyse fine du droit laïc public et privé reste un sommet indépassé de la science historico-juridique ;
- si les troulecteurs d'étronimes sottises qui publient chez Dalloz, la "LGDJ" ou autres gazettes foireuses, avaient découvert des solutions juridiques efficaces aux problèmes judiciaires graves qui s'accumulent, je crois que ça se saurait, non ? Ils n'en ont tellement pas trouvé, si je puis dire, qu'on est même à se demander s'ils ne font pas même partie du problème judiciaire. La question : "Qui d'un éboueur ou d'un chercheur en droit est plus utile à la société", me paraît assez facile à trancher en faveur de l'éboueur. Sans démagogie aucune. Qui faut-il inculper ? Un gamin à demi analphabète qui crame une voiture pour tuer le temps, ou les chercheurs en droit subventionnés qui ne résolvent aucun problème depuis des lustres ? Il semble que la notion de justice et celle de droit soient désormais complètement séparées ;
- une maurrassienne comme Lou n'en voudra sans doute pas qu'un communiste comme moi rappelle que le droit fiscal, ses chercheurs comme ses petits soldats, tout ce "beau linge" vient en outre de subir une claque à l'échelle mondiale, faute d'avoir été capable de dissimuler plus longtemps les malversations et la corruption. A quoi il faut ajouter que confier la police fiscale au G20 c'est comme confier la sécurité des banlieues aux plus gros dealers qui sévissent dans ces banlieues, solution qui s'avère pour l'instant plus efficace que toutes les "découvertes" récentes en science juridique.
Bien sûr un communiste cohérent ne peut que voir dans l'Université et l'Education nationale en général le rempart le plus solide du capitalisme. D'abord parce que la pléthore de "savants Cosinus" que l'industrie capitaliste (l'argent de l'Etat ne vient pas d'ailleurs) entretient à grand frais ne sont que des techniciens à la recherche de nouveaux gadgets. La véritable science, celle de Parménide, de Zénon, d'Aristote, de François Bacon, Tycho Brahé, etc., ne requiert que des moyens financiers très limités. Le principe de l'ordinateur est déjà chez Platon, mais ce qui coûte du pognon c'est de l'exploiter pour en faire un outil. A charge ensuite à des chercheurs en sciences morales subventionnés de l'envergure de Luc Ferry de nous convaincre que la multiplication des ordinateurs est un grand progrès pour l'humanité.
Même si l'Université et les chercheurs coûtent très chers à la société civile capitaliste, Lou, ils sont indispensables à sa survie, à la fois pour des raisons économiques, politiques et idéologiques. Kalle a bien sûr raison de dire que l''évaluation' est un gadget de Darcos qui fait partie du cinéma médiatique. Le jeu des ministres de droite consiste à brosser autant que possible les parents d'élève dans le sens du poil (puisque les profs ne voteront jamais à droite), tandis que les ministres de gauche brossent les profs dans le sens du poil, bien qu'ils ont perdu presque tout crédit moral au profit des médiats et quasiment tout contrôle sur la façon d'exercer leur métier.
On ne peut pas être à la fois anticapitaliste et pour un système bureaucratique d'enseignement et de recherche. A l'inverse on ne peut pas être capitaliste et vouloir réduire drastiquement les dépenses d'éducation ou de recherche. Qui est-ce qui convaincra les gosses que dealer en Bourse ou caissière de supermarché Leclerc, vigile en treillis camouflé pour le compte de "Total", sont des métiers honorables, si les instituteurs et institutrices ne le font pas ?
L'interdiction aux familles/parents de se réunir pour assurer elles-mêmes l'instruction de leurs enfants, assortie de sanctions pénales, a récemment été renforcée. Ceux qui ont pondu ce texte au moins savent bien l'appui (historique) que l'Etat constitue pour le Capital, et le Capital pour l'Etat, entités qui n'ont au demeurant qu'une existence strictement juridique ou idéologique et dont la dissociation procède d'un jeu de l'esprit, comme la dissociation de la "vie privée" d'une part, "vie publique" de l'autre. Rien n'empêche hors la foi laïque de multiplier ces cercles, ou de les confondre, puisqu'on est "en Théorie".
Il ferait beau voir que des types comme Michel-Edouard Leclerc, Bolloré, Serge Dassault, protestent contre cette loi et militent pour qu'on rende aux familles le droit d'instruire leurs gosses comme elles le souhaitent.
Seuls des tartuffes peuvent faire semblant d'ignorer que ce n'est non seulement le culte aveugle de l'Etat que l'école entretient, mais aussi celui du Capital. De là et uniquement de là vient que la jeunesse a de moins en moins de respect pour ses maîtres qui l'ont bel et bien roulée dans la farine sous couvert de lui enseigner l'esprit critique, la lettre de Guy Moquet et la bonne façon d'enfiler une capote.
Écrit par : Lapinos | jeudi, 23 avril 2009
Je vous vante pour votre critique. c'est un vrai travail d'écriture. Continuez
Écrit par : serrurier paris 3 | mardi, 22 juillet 2014
Merci "Serrurier", mais est-ce bien à moi que ce discours s'adresse ? Si oui, ça pourrait presque me redonner envie de m'y recoller, depuis le temps... Ca me ferait du bien à moi aussi... Histoire de pas finir ramollo...
Bises
La Lou... back perhaps...
Écrit par : lou | mardi, 22 juillet 2014
Je vous approuve pour votre éditorial. c'est un vrai état d'écriture. Continuez .
Écrit par : MichelB | mercredi, 13 août 2014
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